Demain, le jour, de Salomon De Izarra

Que voilà une chronique difficile à écrire ! J’ai généralement des avis assez tranchés sur mes lectures, y compris lorsque mon ressenti est un peu mitigé. Je referme le livre avec un sentiment global, mauvais ou bon, et je sais toujours pourquoi, ce que j’ai aimé, ce que je n’ai pas aimé. Il est assez rare qu’on me coupe la chique aussi sec que Salomon de Izarra l’a fait ! Rencontre avec un roman dont je ne sais pas vraiment quoi penser…

Nous sommes en 1936 et un train en direction de l’Allemagne déraille dans les Vosges. Trois survivants seulement, Paul Rudier, Suzanne Garcin et Armand Létoile, qui vont trouver refuge dans le petit village de Tours-les-Vosges, perdu en pleine forêt. Enfin, refuge est un bien grand mot, car deux mystérieuses créatures hantent les lieux… Piégés, ils tuent le temps en écrivant ou en enregistrant leurs mémoires.

Je l’avoue, j’ai été attirée par deux choses : la couverture, sobre mais magnifique à mon sens, ainsi que la mention à Stephen King dans les critiques, à propos de l’angoisse générée par cette histoire. Autant le dire tout de suite, pour l’angoisse et Stephen King, il faudra repasser. Ne vous jetez pas sur ce livre pour cela, vous seriez cruellement déçu. J’ai presque envie de dire que l’angoisse, et même le fantastique, ne sont pas le propos. Quel est le propos alors ? Eh bien, justement…

J’ai tout d’abord été charmée par l’écriture de Salomon de Izarra. Le vocabulaire est soigné, le style très agréable avec des phrases complexes mais bien tournées. On a à faire à des personnages cultivés, bien que d’origines sociales diverses, et bien campés. Paul se qualifie lui-même de salaud. Il a vécu la misère et appris le “tous les moyens sont bons”, ce qui n’en fait pas un personnage très sympathique. Jeune fille de bonne famille, Suzanne s’est battue toute sa vie, et se bat encore, pour exister en tant que femme. Et Armand, quant à lui, je résumerais en disant qu’il n’a vraiment pas eu de chance, le pauvre.

L’ambiance est sombre. Les souvenirs de la Première Guerre Mondiale sont encore bien présents, tandis que la Deuxième se profile déjà. Pourtant, bien que leurs histoires soient intéressantes à découvrir, avec des thématiques telles que les relations familiales toxiques, la construction de soi et l’enfermement, elles finissent par devenir longuettes parce qu’en réalité, elles constituent la quasi-totalité du roman. Le côté fantastique n’est qu’un prétexte pour réunir les personnages et les faire s’épancher. Ce qui est dommage, malgré un final assez chouette, parce que c’est ce que l’on nous vend, ce qui est mis en avant dans le quatrième de couverture.

Alors, aimé ou pas aimé ? Eh bien, les deux, mon Capitaine, même si j’ai probablement plus aimé que pas aimé. Ce roman a des qualités indéniables et j’ai passé de bons moments, mais je crois qu’il m’a manqué une vraie finalité pour être complètement séduite. L’auteur se perd en circonvolutions et laisse trop de côté l’aspect fantastique de son récit au profit de la psychologie de ses personnages, esquissée, en outre, à grands coups de serpe. Un peu déçue quand même…

Note : ☆☆

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Demain, le jour, de Salomon De Izarra
Editions Mü (2022) - 265 pages - Support papier - Fantastique & Horreur

France, 1936. Le bruissement d'une nouvelle guerre se fait entendre. Un train traverse les Vosges mais n'arrivera jamais à destination. De la carcasse encore fumante, alors que la nuit tombe, trois survivants trouvent refuge dans un petit village abandonné, au creux de la forêt, au milieu de nulle part. Accueillis par le Maire, harcelés par des créatures mystérieuses, ils sont pris au piège et devront plonger dans les souvenirs les plus sombres de leurs vies pour découvrir les raisons de leur présence en ces lieux. Avec Demain, le jour, Salomon De Izarra signe un huis clos intime et fantastique, véritable miroir des vanités humaines.

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