Quand la vengeance consume tout… Survivantes, le dernier roman de Cédric Sire nous plonge dans un récit centré sur quatre femmes qui ont subi des violences extrêmes. Survivantes plutôt que victimes, et très déçues par des autorités qui manquent de moyens, elles décident de se faire justice elles-mêmes en traquant et assassinant leurs bourreaux. Un parcours sanglant dont on se doute dès le départ qu’il peut difficilement finir bien.
J’ai quasiment tout lu de Cédric Sire et presque tout aimé. Là, je suis plus mitigée. Le style est percutant et efficace, nerveux, le rythme haletant, aucun problème avec cela. On retrouve bien la plume fluide de l’auteur, soutenue par des chapitres courts et une vision très cinématographique. Cependant, la motivation principale des héroïnes étant la vengeance -au départ, en tout cas, avant que ça ne leur pète au nez-, j’ai eu beaucoup de mal à m’identifier, encore plus à m’attacher. Toutes sont bien développées, mais réduites à leur quête vengeresse et prises dans une spirale autodestructrice assez glauque.
La violence est omniprésente, on ne nous épargne aucun détail sordide, aucune description sanglante, ce qui crée une intensité constante qui laisse peu de place à autre chose. Je suis bien persuadée que l’auteur l’a voulu ainsi, en accord avec la thématique de son roman, mais c’est juste… trop, et cela m’a fatiguée. Malgré tout, le roman soulève des problématiques intéressantes, notamment les failles du système judiciaire, les conséquences des traumatismes sur les victimes et, bien sûr, la légitimité de la justice personnelle face à l'inefficacité institutionnelle.
Un roman qui divisera, je pense. Certains apprécieront sans doute cette plongée sans concession dans les abysses de la vengeance et de la souffrance humaine. D'autres, comme moi, regretteront que l'excès de violence et la focalisation des héroïnes sur la vengeance limitent la portée d'un récit que j’aurais sans doute davantage apprécié avec plus de nuances et de retenue. Il ne laisse pas indifférent, c’est sûr, mais peut-être n’étais-je tout simplement pas dans les dispositions adéquates pour l’apprécier.
Un thriller intense et bien construit, qui plaira aux amateurs de récits sombres et violents. Cependant, son approche un peu excessive m’a personnellement laissée au bord de la route. On ne peut pas gagner à tous les coups, même si cela ne m’empêchera pas de me jeter sur le prochain opus de Cédric Sire !
Note : ★★★☆☆
Plus d'informations
Survivantes, de Cédric Sire
Editions Michel Lafon (2025) - 464 pages - Support numérique - Thrillers & Polars
Comme les autres, Tanya a traversé l'enfer. Comme les autres, on a fait d'elle une proie, et elle a survécu. Proie elle n'est plus. Proie plus jamais elle ne sera.
Farrah, Kate, Tanya et Cheryl sont des survivantes. Rescapées de meurtriers sadiques, elles n'ont d'autre choix pour se relever que la vengeance et la traque de leurs bourreaux. Mais si le sang appelle le sang, la vengeance aussi...
Le site de l'auteur :
https://www.cedric-sire.com/
C'est dans le cadre du
Festival du Livre 2025 de L'Imag'In Café qu'est organisée cette lecture commune de
Délivrez-nous du bien, de Joan Samson. Un roman fantastique dont je n'avais jamais entendu parler, mais qui m'intrigue fort et dont le quatrième de couverture me rappelle un peu l'intrigue de
Bazaar, de Stephen King. Je suis ravie qu'il ait été choisi, à la fois parmi les dix lauréats du festival et pour cette lecture commune.
Si le festival et/ou la lecture commune vous intéresse, sachez que ce sera à partir du 15 octobre 2025 sur le forum de L'Imag'In Café. N'hésitez pas à nous rejoindre si le coeur vous en dit !
Plus d'informations
Délivrez-nous du bien, de Joan Samson
Monsieur Toussaint Louverture (2024) - 300 pages - Support papier - Fantastique
Harlowe, petite ville rurale du New Hampshire non loin de Boston, est un coin tranquille où tout le monde se connaît et où chacun a sa place : Fanny, avec sa voix insipide et son regard vide, est juchée sur son perchoir derrière le comptoir du magasin d’alimentation générale ; John passe la niveleuse ou le chasse-neige, au choix, lorsque la commune le lui demande ; la femme pasteur prononce son sermon tous les premiers dimanches du mois.
Mais cet ordre paisible est petit à petit amené à changer à compter du jour où Perly Dunsmore fait son apparition. Ce commissaire-priseur au charme indéniable, globe-trotter averti, raffiné, poli et instruit, atterrit sans qu’on sache trop pourquoi à Harlowe où, avec l’aide du chef de la police locale, Bob Gore, il commence à organiser des ventes aux enchères dans le but d’améliorer la sécurité et de faire prospérer la petite communauté. Les habitants jouent plus ou moins le jeu, et font don de choses et d’autres remisées à la grange, à la cave ou au grenier, et dont ils n’ont plus vraiment l’utilité.
Puis, lorsque les demandes se font de plus en plus pressantes et que les refus sont poliment écartés, les choses commencent peu à peu à déraper. Que souhaite réellement ce Perly Dunsmore, qui se présente comme le sauveur désintéressé de ce petit bout de campagne qui n’a pourtant lancé aucun appel à l’aide ? Et jusqu’où est-il prêt à aller pour l’obtenir ?
Je vous propose aujourd’hui une petite chronique du dernier roman de Sophie Loubière, Obsolète. Un récit d’anticipation dans lequel l’autrice nous projette en 2224, au cœur d’une société reconstruite après le Grand Effondrement. Les femmes qui ne sont plus en âge de procréer sont retirées à leur famille et remplacées par des épouses plus jeunes et fertiles. On suit Rachel, qui s’y prépare avec résignation.
De Sophie Loubière, je n’avais lu qu’une nouvelle pendant le confinement dû au Covid 19, et j’avais très envie de découvrir sa plume plus avant. Je n’ai pas été déçue, quelle claque que ce roman ! Sans doute parce que je suis pile poil dans la tranche d’âge dont il est question… La représentation d'une société qui considère ces femmes comme inutiles et les écarte systématiquement était un peu déprimante par moments, je dois dire, mais j’ai beaucoup aimé ce roman.
Sophie Loubière décrit avec minutie un univers où chaque détail est pensé pour refléter une réalité plausible après un désastre écologique qui a fait s’effondrer notre société du XXIe siècle. Les survivants sont rassemblés dans des villages, sous le contrôle de la Gouvernance. Le maître mot est “recyclage”. On recycle tout, on utilise les ressources de manière raisonnée, y compris les émotions qui sont contrôlées, régulées dès la plus tendre enfance par un bracelet au poignet. Et en totale contradiction avec ce souci écologique, une IA nommée Maya rythme le quotidien des habitants, répond à toutes les questions des enfants… comme seule une IA peut le faire, sans affect ni conscience. Un futur inquiétant.
Le récit alterne entre des chapitres à la première personne, offrant une introspection profonde du personnage principal, Rachel, qui m’a beaucoup touchée, et des chapitres à la troisième personne, qui élargissent la perspective en présentant la dynamique de la famille Taylor et de son entourage. Rachel, consciente de son imminente "retraite", se prépare avec une résignation teintée d'inquiétude. Son mari, Keen, est confronté au dilemme moral de devoir choisir une nouvelle épouse, tandis que leur fils, Néo, doit accepter le départ forcé de sa mère. Autant de situations qui soulignent les tensions émotionnelles et les conflits internes engendrés par cette politique de remplacement.
La construction narrative enrichit la compréhension des enjeux personnels et sociétaux liés au Grand Recyclage, lequel est présenté comme une nécessité écologique et sociale, mais soulève des questions éthiques profondes sur la place des femmes dans cette société. Sophie Loubière met en lumière une société où les femmes sont réduites à leur fonction reproductive, mais elle aborde aussi des thèmes universels et très actuels tels que l'éthique, les dangers de l'IA, l'écologie et le patriarcat.
Mon seul bémol, qui coûte sa cinquième étoile à ce roman, c’est le dénouement qui m’a laissée sur ma faim. Après une montée en tension parfaitement maîtrisée, la conclusion m’a semblé précipitée. J’aurais aimé que l’autrice s’étende davantage sur le devenir de Rachel, qui fait écho à ce qu’il s’est passé dans le village et aux découvertes de Keen et John après son départ. Mais malgré cette fin quelque peu abrupte, Obsolète offre une réflexion pertinente sur la condition féminine et les dérives possibles d'une société obsédée par la jeunesse et la reproduction. Je recommande vivement !
Note : ★★★★☆
Plus d'informations
Obsolète, de Sophie Loubière
Editions Belfond (2024) - 528 pages - Support papier - Science-fiction
2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l'humanité s'est adaptée. Économiser les ressources, se protéger du soleil, modifier son habitat, ses besoins, et adhérer au tout-recyclage. Y compris celui des femmes. Afin d'enrayer le déclin de la population, toute femme de cinquante ans est retirée de son foyer pour laisser la place à une autre, plus jeune et encore fertile. L'heure a sonné pour Rachel. Solide et sereine, elle est prête. Mais qu'en est-il de son mari et de ses enfants ? Car personne n'est jamais revenu du Grand Recyclage. Et Rachel sent bien que le Domaine des Hautes-Plaines n'est pas ce lieu de rêve que promet la Gouvernance territoriale aux futures Retirées...
La page Facebook de l'autrice :
https://www.facebook.com/SophieLoubiereOfficiel/