Premee Mohamed est une autrice canadienne d'origine indo-caribéenne qui s’est déjà illustrée dans le genre de la science-fiction. Avec La migration annuelle des nuages, première novella d'une série publiée chez L'Atalante, elle nous propose un récit post-apocalyptique intimiste qui m’a un peu laissée sur ma faim.
L'histoire suit Reid, une jeune femme qui vit dans une communauté installée dans les ruines d'Edmonton, au Canada. Quand elle reçoit une lettre d'acceptation d’une université située loin de chez elle, elle se retrouve confrontée à un choix déchirant : partir vers un avenir incertain ou rester auprès de sa famille et de sa communauté qui ont besoin d'elle.
Reid n'est pas l'héroïne badass qu'on pourrait attendre dans un récit post-apocalyptique. C'est une jeune femme très ordinaire, marquée par une étrange symbiose avec un champignon qui est capable de prendre le contrôle de son corps en cas de danger, afin de préserver ce dernier et donc de se préserver lui-même. Elle se débat avec tout un tas de questions existentielles : la loyauté à sa mère et à sa communauté, l'appel de l'ailleurs, l’espoir d’une vie meilleure, la peur de l'inconnu aussi.
L’autrice évite les clichés du genre en se concentrant sur les introspections de Reid. L’univers de la jeune femme n'est pas un enfer sur terre, mais un endroit où l'humanité a su s'adapter et reconstruire quelque chose de viable, sinon d'idéal. Les descriptions de cette communauté et de ses habitants sonnent juste, et elle a su créer une ambiance particulière, mêlant mélancolie et espoir. Malheureusement, le roman est court et laisse un peu sur sa faim, car elle n’a pas le temps de développer véritablement son univers.
On comprend qu'une catastrophe écologique a frappé le monde, que les communications sont redevenues archaïques, que certaines technologies subsistent tandis que d'autres ont disparu, mais tout cela reste esquissé, suggéré plutôt qu'explicité. L'université dans laquelle Reid est acceptée demeure un concept flou, et on ne comprend pas très bien ses atermoiements. Elle reste passive, rumine, hésite, se débat avec ses émotions, mais il ne se passe finalement pas grand-chose d'un point de vue narratif.
La migration annuelle des nuages souffre du syndrome du premier tome : tout semble mis en place pour la suite, mais le récit peine à exister par lui-même. On sort de cette lecture avec le sentiment frustrant d'avoir effleuré quelque chose de potentiellement chouette, mais sans jamais vraiment y plonger. Une promesse qui tarde à se concrétiser et c’est bien dommage.
Note : ★★★☆☆
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La migration annuelle des nuages, tome 1, de Premee Mohamed
L'Atalante (2025) - 171 pages - Support numérique - Science-fiction
« On a toujours le temps de tout recommencer, de partir dans une autre direction, de créer du nouveau. La fin du monde offre une page vierge pour en bâtir un neuf. »
Une communauté unie est toujours plus forte face aux inévitables effondrements que l’avenir dessine. Celle d’Edmonton, ville en ruines au cœur du Canada, oscille au jour le jour entre rudesse et recherche d’un meilleur confort. Un équilibre que l’apparition du cad, un parasite semi-conscient qui influence le comportement de son hôte, teinte de drame.
La vie ne sera plus jamais comme avant, mais le printemps succède toujours à l’hiver : Reid reçoit une lettre d’admission à l’université, une opportunité inestimable de rejoindre les derniers vestiges du monde révolu. Et peut-être d’accéder à un remède contre le parasite qui la ronge. Sera-t-elle capable de quitter ceux qui l’aiment et qui comptent sur elle ?
Le site de l'autrice :
https://premeemohamed.com/
Nouvelle lecture commune en perspective avec
Julie !
Cette fois, il s'agit d'un roman qui dort dans ma PAL depuis quelques mois, mais qui me fait très envie : Katie, de Michael McDowell. J'ai lu et plutôt apprécié la saga Blackwater, du même auteur. Plutôt, car elle ne correspondait pas vraiment à ce que l'on m'avait vendu, à savoir de l'horreur, et je déteste être trompée sur la marchandise. Je suis persuadée que si je ne m'étais pas attendue à tout autre chose, j'aurais davantage accroché.
Cette fois, c'est en toute connaissance de cause que je vais me lancer dans Katie, et j'en espère beaucoup ! Alors si l'aventure vous tente, n'hésitez pas à me contacter, ce sera à partir du 1er octobre prochain.
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Katie, de Michael McDowell
M. Toussaint Louverture (2024) - 456 pages - Support numérique - Fantastique & Horreur
Lorsque Philomela Drax reçoit une lettre de son riche et impotent grand-père, qui craint pour sa vie, désormais aux mains de la famille Slape, elle se précipite à son secours. Mais Katie Slape, douée de voyance, part à sa poursuite, des rues poussiéreuses d'un village du New Jersey aux trottoirs étincelants de Saratoga en passant par les quais brumeux de New York.
Je dois vous l'avouer : en ouvrant Le gang des rêves, de Luca Di Fulvio, j'étais complètement en dehors de ma zone de confort. Habituée aux dragons, aux vaisseaux spatiaux et aux mondes parallèles, je me suis retrouvée plongée dans le New York du début du XXe siècle, entre immigration italienne et gangsters. J’avais lu le quatrième de couverture, je savais bien ce que je faisais, mais quand même… Contre toute attente, ce roman m'a emportée avec une facilité que je n’avais pas anticipée.
L'histoire nous emmène dans les bas-fonds de Manhattan, suivant le parcours de Christmas Luminita, jeune immigré italien aux prises avec la dure réalité de l'American Dream. Di Fulvio déploie une fresque sociale ambitieuse, mêlant saga familiale et chronique urbaine dans une Amérique en pleine mutation. Une première excursion dans l’univers de l'auteur italien, bien connu pour ses talents de conteur.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la construction des personnages. Christmas n'est pas un héros parfait, loin de là. Ses failles, ses doutes, ses choix parfois discutables en font un protagoniste profondément humain. Di Fulvio excelle à camper des héros attachants, de la mère courage Cetta à la fragile Ruth, en passant par les figures plus ou moins anonymes que Christmas va croiser sur sa route. Chacun porte en lui une part de cette quête universelle de dignité et de reconnaissance qui traverse l'œuvre.
La plume de l’auteur se révèle particulièrement efficace dans ses descriptions d’une Amérique industrielle naissante. Les odeurs du Lower East Side, le vacarme des chantiers, la violence sourde des règlements de comptes : tout prend corps sous sa plume avec une précision documentaire qui n'entrave jamais le récit. Di Fulvio maîtrise parfaitement l'art du mélodrame sans jamais tomber dans la facilité.
Pourtant, au fil des pages, une étrange sensation m'a envahie : n'avais-je pas déjà lu cette histoire quelque part ? Non pas que Di Fulvio manque d'originalité, mais certaines situations, certains retournements narratifs évoquent des échos familiers. Cette impression de "déjà-lu" s'est imposée à plusieurs reprises, sans que je puisse vraiment l'expliquer. Était-ce la structure du récit d'apprentissage ? Les codes du roman de gangsters ? Je ne saurais le dire.
Cette sensation troublante n'a cependant pas entamé mon plaisir de lecture. Car Le gang des rêves possède cette qualité rare : il nous happe dès les premières pages et ne nous lâche plus. L'intrigue, menée de main de maître, alterne habilement entre moments d'intimité et séquences d'action. Di Fulvio sait ménager ses effets, construire ses tensions et surprendre son lecteur au moment opportun.
Le roman fonctionne aussi comme une réflexion sur l'identité et l'appartenance. Christmas incarne une génération d'entre-deux, ni tout à fait européens ni encore américains, contraints de se réinventer pour survivre et sortir de leur condition. Hors de mes habitudes de lecture, j'y ai trouvé un plaisir inattendu, porté par des personnages mémorables et une intrigue bien menée. Une expérience à renouveler.
Note : ★★★★☆
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Le gang des rêves, de Luca Di Fulvio
Pocket (2017) - 945 pages - Support papier - Littérature historique
Une Italienne de quinze ans débarque avec son fils dans le New York des années vingt... L'histoire commence, vertigineuse, tumultueuse. Elle s'achève quelques heures plus tard sans qu'on ait pu fermer le livre, la magie Di Fulvio. Roman de l'enfance volée,
Le gang des rêves brûle d'une ardeur rédemptrice : chacun s'y bat pour conserver son intégrité et, dans la boue, le sang, la terreur et la pitié, toujours garder l'illusion de la pureté.
Dix ans après la conclusion de la saga originelle, Hunger Games, Suzanne Collins remet le couvert et nous replonge dans l'univers dystopique de Panem avec Lever de soleil sur la moisson, un préquel centré sur Haymitch Abernathy lors des cinquantièmes Hunger Games. Si le retour dans cet univers familier nous procure une certaine nostalgie, cette nouvelle incursion peine à justifier son existence, selon moi.
L'idée de s'intéresser à Haymitch était séduisante. Ce personnage secondaire, mais marquant, de la trilogie d’origine méritait qu'on explore son passé traumatisant, ces fameux Jeux qui l'ont transformé en alcoolique désabusé. L’autrice nous livre effectivement les clés de cette transformation, montrant un jeune homme de seize ans bien différent du mentor cynique que nous connaissions. Le récit se concentre sur sa participation forcée à ces Jeux que le nombre doublé de tributs rend particulièrement sanglants.
Suzanne Collins réussit à donner de la profondeur à son protagoniste, révélant ses motivations, ses peurs et surtout sa relation avec Lenore Dove Baird, cousine du futur père de Katniss. Cependant, le principal écueil de ce préquel réside dans sa prévisibilité. Connaissant l’avenir d'Haymitch, le suspense s'évapore largement. Nous savons qu'il survivra, nous savons qu'il sera traumatisé, et la mécanique des Jeux, bien que renouvelée par l'arène volcanique de cette cinquantième édition, ne réserve aucune vraie surprise. La structure narrative du récit suit les codes établis dans les tomes précédents.
L’autrice développe des thématiques intéressantes, je ne prétends pas le contraire, notamment toutes les manipulations politiques et médiatiques qui entourent ces Jeux. Le Capitole y apparaît dans toute sa perversité calculée, et les descriptions des excès de cette société conservent leur pouvoir horrifique. Violence institutionnalisée, manipulation des masses, inégalités sociales criantes… Des sujets qui demeurent très actuels, mais dont le traitement n'apporte rien de neuf par rapport à la saga originelle, et ne compense pas l'impression de déjà-vu qui traverse le lecteur.
Sur le plan stylistique, Suzanne Collins retrouve sa plume directe et accessible, privilégiant l'action et les dialogues à l'introspection poussée. Le rythme est bien maîtrisé, particulièrement lors des scènes d'arène qui conservent une belle intensité dramatique. Mais pour toutes les raisons exposées ci-dessus, je trouve Lever de soleil sur la moisson dispensable. Il satisfera les fans inconditionnels de la saga qui souhaitent retrouver cet univers, mais il peine à convaincre de sa nécessité littéraire.
Un récit efficace, bien construit, qui respecte la mythologie établie, mais qui n'enrichit pas vraiment notre compréhension de Panem ni ne renouvelle notre regard sur les thématiques abordées. Ce retour aux sources ressemble davantage à une opération nostalgique qu'à une véritable création. Même si l'on comprend mieux le parcours d'Haymitch, cela n'ajoute pas de profondeur significative à l'ensemble.
Note : ★★★☆☆
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Hunger Games, préquel 2 : Lever de soleil sur la moisson, de Suzanne Collins
Pocket (2025) - 467 pages - Support numérique - Science-fiction
À l'aube des cinquantièmes Hunger Games, la peur s'empare des districts de Panem. Cette année, en l'honneur des Jeux de l'Expiation, le nombre de tributs arrachés à leur famille pour participer à ces jeux cruels sera doublé ! Dans le district 12, Haymitch Abernathy tente de ne pas trop penser au terrible tirage au sort. Il est concentré sur sa survie et sur la survie de celle qu'il aime. Alors, quand le destin le désigne comme tribut, son monde s'écroule. Forcé de tout quitter, il est emmené au Capitole avec trois autres membres de son district : une amie qu'il considère comme une sœur, un parieur compulsif et la fille la plus prétentieuse de la ville. Alors que les Jeux sont sur le point de commencer, Haymitch comprend que les épreuves sont truquées et qu'il n'a aucune chance. Pourtant, quelque chose en lui le pousse à se battre... pour que ce combat dépasse les frontières de l'arène mortelle.
Le site de l'autrice :
https://www.suzannecollinsbooks.com/
Après sa trilogie très remarquée, Les Maîtres Enlumineurs, Robert Jackson Bennett est de retour chez Albin Michel avec ses tous premiers écrits, une autre saga de fantasy : Les Cités Divines. Dans le premier tome, La cité des marches, l’auteur américain propose une enquête policière dans un univers post-divin. Hélas, malgré un concept plutôt intrigant, ce roman n’a pas su me convaincre et me laisse un sentiment de rendez-vous manqué.
Le récit prend place à Bulikov, ancienne capitale du Continent, où une civilisation, autrefois dominée par six divinités, s'est effondrée quand le Kaj de Saypur, l’une de ses colonies, les a toutes abattues avec une arme de son invention. La cité n’est désormais plus que l’ombre d’elle-même, bien que subsistent certains vestiges des miracles qui l’ont façonnée. Sur le papier, ça avait l’air très chouette, sauf que c’est laborieux. Robert Jackson Bennett met beaucoup trop de temps à installer sa mythologie, s’égarant dans des considérations politiques, certes importantes, mais vraiment très lourdes.
Dans ce contexte, on fait la connaissance de Shara Thivani, une espionne envoyée pour enquêter sur le meurtre d’un historien. C’est une femme intelligente et dotée d’un certain pouvoir dans un monde en grande partie dominé par les hommes. Le hic, c’est qu’elle a le charisme d’une huître ! Je n’ai pas réussi à m’y attacher, pas plus qu’à aucun autre personnage du roman, sauf peut-être Sigrud, son secrétaire, un géant de deux mètres originaire des contrées du nord. Et encore, c’est l’archétype du barbare civilisé, et il est condamné au rôle de faire-valoir tout en muscles. Même les antagonistes manquent d’ampleur !
Du côté de l’intrigue, je m’attendais à une enquête passionnante, mêlant enjeux politiques et mystères surnaturels. Là encore, cruelle déception. Les miracles, en lesquels résidaient tout l’intérêt de l’univers, sont à peine évoqués, sauf lors d’une bataille d’anthologie contre un Cthulhu très en colère. Quelques petites touches par-ci par-là, mais rien qui suffise à contrebalancer l’ennui qui s’installe assez vite. On a l’impression que Bennett ne sait pas vraiment quel genre d’histoire il veut nous raconter, entre le polar, l'horreur ou la fantasy, et son récit peine à convaincre.
La plume reste efficace, mais cela manque de vie et de magie. L’univers est trop lourd à porter, surtout pour un auteur débutant. Les personnages manquent de relief et l’intrigue s’enlise dans ses propres méandres. Une grosse déception que ce premier tome, dont je ne suis pas sûre du tout de lire un jour la suite.
Note : ★★☆☆☆
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Les Cités Divines, tome 1 : La cité des marches, de Robert Jackson Bennett
Albin Michel (2024) - 544 pages - Support numérique - Fantasy
Autrefois puissante cité divine capable de conquérir et d’asservir les peuples établis à sa proximité, Bulikov est tombée. Une mystérieuse catastrophe a eu lieu : le Cillement. Les dieux protecteurs de la cité ont disparu. Bulikov a été brisée en mille morceaux. Conquise par l’Empire de Saypur, réduite à l’état d’avant-poste, la ville n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été. Restent toutefois visibles, ça et là, certains vestiges des miracles qui l’ont façonnée, notamment d’immenses escaliers qui ne mènent désormais nulle part. Quand un historien est assassiné, l’Empire envoie enquêter une de ses meilleures espionnes : Shara Thivani. Se présentant comme une humble diplomate impériale, la jeune femme découvre l’étrange cité et commence son enquête, compliquée, dangereuse, qui touche un domaine sensible : le passé divin de certaines cités conquises par l’Empire. Ce que Shara va découvrir dépasse, et de loin, le simple cadre d’une affaire criminelle. Les dieux de Bulikov ne sont peut-être pas aussi morts que l’Empire veut bien le croire.
Le site de l'auteur :
https://www.robertjacksonbennett.com/