C’est avec La part des flammes, publié en 2015, que Gaëlle Nohant s’est imposée dans le paysage de la fiction historique française. Quatre années de recherches lui ont été nécessaires pour reconstituer avec précision le Paris de la Belle Époque et l'une des pires catastrophes de son histoire : l'incendie du Bazar de la Charité, survenu le 4 mai 1897, qui fit 125 morts, principalement des femmes de l'aristocratie.
Le roman suit trois destins de femmes bouleversés par cette tragédie. D'abord, celui de la comtesse Violaine de Raezal, veuve à la réputation sulfureuse, qui tente désespérément de se faire accepter dans la haute société. Ensuite, celui de Constance d'Estingel, jeune femme tourmentée qui vient de rompre ses fiançailles et cherche une forme de rédemption dans la foi. Et enfin, celui de la duchesse Sophie d'Alençon, personnage historique réel – elle est la sœur cadette de Sissi, l'impératrice d’Autriche – qui consacre sa vie aux œuvres de charité et aux soins aux tuberculeux. Ces femmes, venues d'horizons différents, se retrouvent réunies au Bazar de la Charité lorsque les flammes se déchaînent.
L'intrigue s'articule en deux temps. Les cent premières pages nous plongent dans le Paris mondain de 1897 et nous font découvrir ces personnages et leurs aspirations. Puis vient l'incendie, décrit non sans réalisme : la panique, les bousculades, les corps qui brûlent, les cris, puis les brûlures et les cadavres calcinés… Le reste du roman suit les survivantes dans leur reconstruction, physique et psychologique, dans un monde qui ne leur fait guère de cadeaux.
Car c'est bien là le véritable sujet du livre : la condition féminine dans cette société de la fin du XIXe siècle. Gaëlle Nohant dépeint avec justesse un univers où les femmes appartiennent à leurs pères puis à leurs époux, où une simple rumeur peut détruire une réputation, et où l'internement psychiatrique menace celles qui osent se rebeller. Les mariages sont arrangés, les duels règlent encore les questions d'honneur, et une femme défigurée par le feu n'a plus sa place nulle part. À travers ses héroïnes, elle montre comment elles tentent de s'arracher à ces carcans, chacune à sa manière.
On sent bien la passion de l'autrice pour cette période charnière où l'ancien monde côtoie la modernité naissante. Malheureusement, le roman peine à transcender certaines limites. L'émotion ne parvient pas à se déployer véritablement. Constance, avec son mysticisme exacerbé et son désir de martyre, devient un peu agaçante dans ses tourments. Quant à Violaine, censée être le personnage moteur de l'intrigue, elle manque d'un véritable charisme qui aurait pu porter l'ensemble du récit. Je ne me suis pas vraiment attachée à elles et les personnages secondaires ne réussissent pas à compenser.
Le rythme connaît également quelques accrocs. Si l'incendie constitue un sommet d'intensité, certains passages consacrés aux blessés et à leurs soins s'étirent en longueur. Le roman aurait pu gagner à être resserré par endroits, même si la construction permet généralement d'éviter l'ennui en passant d'une héroïne à l'autre. Malgré tout, La part des flammes reste une belle réussite. Gaëlle Nohant signe ici un roman bien documenté, qui se lit avec plaisir et nous rappelle que certaines batailles, notamment celles pour l'émancipation des femmes, sont loin d'être terminées.
Paris, 1897. Toutes les femmes de l'aristocratie se pressent au Bazar de la Charité, événement mondain des plus courus. Parmi elles, deux femmes peu habituées à cet univers, Violaine de Raezal, rejetée par ses pairs depuis la mort de son mari, et la jeune Constance d'Estingel, indifférente aux conventions sociales. Quand le bazar prend feu et que le piège des flammes se referme, la tragédie fait basculer leur destin.
Le compte Instagram de l'autrice : https://www.instagram.com/gnohant/?hl=fr





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