La chute, de Ann Carré

Après le succès d'Elizabeth, sa première nouvelle publiée en 2024 dans la collection Chronopages des éditions 1115, Ann Carré revient avec La chute, un nouveau texte de science-fiction qui nous emmène cette fois en orbite autour d'une planète gazeuse. Si l'autrice avait su émouvoir et convaincre avec son récit initial, empreint de mélancolie et d'une idée narrative forte, ce second opus m’a moins convaincue, malgré des qualités indéniables.

La chute nous présente le professeur Troën Vinu, scientifique installé sur la station Cyrène qui gravite autour d'Hypatia, une géante gazeuse aux volutes belles et mystérieuses. Troën est convaincu d'avoir été contacté, vingt ans plus tôt, par les Mereka, un peuple extraterrestre vivant caché sous l'épaisse atmosphère de la planète. Ces derniers lui auraient transmis par télépathie une prophétie sur le point de s’accomplir. Nous suivons ce personnage dans le compte à rebours jusqu’à l’échéance, alors que sa réputation professionnelle et son honneur se sont progressivement effondrés.

L'idée de départ n'est pas dénuée d'intérêt : ce savant, obsédé par une révélation que lui seul prétend avoir reçue, évoque les grandes figures de scientifiques incompris de la science-fiction classique. Le cadre spatial, avec cette station orbitale scrutant une planète impénétrable, offre aussi une belle toile de fond pour explorer les thèmes de l'obsession et de la foi en l'extraordinaire.

Malheureusement, Ann Carré fait le choix d'un récit très elliptique, qui enjambe les mois et les années. Cette structure empêche le lecteur de véritablement s'investir dans le parcours de son personnage. On assiste à son histoire de loin, sans jamais vraiment pénétrer son intériorité ni comprendre les étapes qui l'ont mené à cette situation. Il est donc difficile de s’attacher à lui. Certes, sa situation inspire une certaine compassion – cet homme dévoué à une cause que personne ne reconnaît, cette solitude face à une vérité que lui seul perçoit – mais cette empathie reste superficielle et cette absence de connexion émotionnelle fait qu’on passe un peu à côté.

Autre faiblesse notable : le dénouement. Sans trop entrer dans les détails pour ne pas gâcher la lecture, il faut reconnaître que la résolution de l'intrigue manque de surprise. La chute annoncée par le titre arrive sans véritable effet de révélation. Pour un format court comme la nouvelle, où la force réside souvent dans le twist final, c’est fort dommage. On reste dans du classique, là où Elizabeth proposait une réflexion plus personnelle sur le temps et la mémoire.

L'écriture d'Ann Carré demeure cependant agréable. Le texte se lit sans accroc, avec une fluidité qui facilite la progression dans le récit. Mais elle ne parvient pas à retrouver la justesse de ton qui faisait le charme d'Elizabeth. Entre ellipses narratives trop marquées, un personnage principal qui peine à nous toucher et une conclusion attendue, cette nouvelle laisse le lecteur sur sa faim. On attendra donc avec curiosité la suite des aventures de cette autrice, en espérant qu'elle retrouve la force évocatrice de ses débuts.

Note : ☆☆

Plus d'informations

La chute, de Ann Carré
Editions 1115 (2025) - 29 pages - Support papier - Recueils & Nouvelles

Destination : la station Cyrène, qui orbite autour de la planète Hypatia. Là, le Professeur Troën Vinu étudie sans relâche les immenses volutes qui tournoient à la surface de la géante gazeuse. Car sous cette épaisse atmosphère, il le sait, se cachent les Mereka, un peuple mystérieux qui le fascine depuis sa plus tendre enfance. Les mêmes Mereka qui lui ont transmis une prophétie, il y a bientôt vingt ans de cela. Une prophétie sur le point de se réaliser. Avec La Chute, Ann Carré nous prépare au pire tout en gardant un œil sur le passé, avec cette question obsédante à l'esprit : le pire est-il vraiment devant, ou derrière nous ?

Le site de l'autrice : https://anncarre.com/

2 commentaires

  1. Est-ce que le fait qu'un texte nommé "La Chute" n'ait pas vraiment de chute n'est pas un peu une chute en soi ? 😄

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    1. Ah, j'aurais été trop déçue que personne ne la fasse, celle-là ! ;)

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