La nuit ravagée, de Jean-Baptiste Del Amo
Jean-Baptiste Del Amo est un auteur habituellement associé à la littérature blanche, dans le domaine de laquelle il a reçu de nombreux prix littéraires. Avec La nuit ravagée, paru chez Gallimard en mars 2025, il opère un virage totalement inattendu dans le registre de l'horreur et du fantastique. L’occasion pour moi d’une première rencontre avec cet écrivain, et je dois dire que cette incursion dans son univers a été une très agréable surprise.
Le récit nous emmène à Saint-Auch, petite bourgade imaginaire en périphérie de Toulouse, au début des années 1990. Au bout de l'impasse des Ormes se dresse une maison abandonnée qui exerce une sorte de fascination sur un groupe d'adolescents du quartier. Lorsqu'un élève de leur lycée meurt dans de terribles circonstances après y être entré, ils décident d'y pénétrer à leur tour, sans se douter de ce dans quoi ils mettent réellement les pieds. Un pitch classique, limite archétypal, mais c'est ce qui fait son charme : Del Amo assume pleinement ses influences.
L'auteur ne cache pas son admiration pour Stephen King et les films d'horreur qu'il regardait en VHS durant son adolescence. Cette filiation se ressent immédiatement à la lecture. On pense évidemment à Ça, de Stephen King, mais aussi à Stranger Things. Pourtant, Jean-Baptiste Del Amo ne tombe jamais dans la simple copie. Il s'approprie ces codes pour les mettre au service d'une histoire bien à lui, ancrée dans une France périurbaine qui évoque aussi bien les lotissements toulousains que les petites villes américaines de King.
Il explique en postface avoir grandi dans une campagne toulousaine à peine urbanisée, où une maison abandonnée intriguait sa bande d'amis. Cette dimension autobiographique affleure constamment dans le texte, lui conférant une authenticité qui ancre le fantastique dans une réalité palpable. Les références culturelles des années 90 pullulent et elles contribuent à recréer cette époque charnière où l'enfance bascule brutalement dans l'âge adulte.
L'un des points forts du roman réside dans son aspect profondément télévisuel. La construction comme le rythme rappellent ceux d’une série. L’auteur rend ici un vibrant hommage au genre horrifique, avec une intrigue plutôt bien ficelée. Il explore les rêves et les désillusions d'une époque, d'une génération et d'une classe sociale tout entière. La maison devient le catalyseur des angoisses de ces adolescents, le miroir de leurs traumatismes. Sans dévoiler trop de choses, disons que le roman joue habilement sur plusieurs tableaux : l'horreur surnaturelle, bien sûr, mais aussi les horreurs bien réelles du quotidien.
Les personnages constituent à la fois une force et une faiblesse relative du roman. Del Amo construit des adolescents attachants, chacun portant son lot de souffrances, de secrets de famille, de violences domestiques. Le problème, c'est qu'ils sont nombreux et que, par moments, on peut avoir tendance à les confondre un peu. Les prénoms se mélangent, les trajectoires se croisent, et il faut parfois quelques lignes pour se rappeler qui est qui. Cela dit, cette légère confusion n'entame pas le plaisir de lecture, et chaque personnage trouve finalement sa place dans le récit.
La nuit ravagée est un roman qui assume son statut d'hommage tout en trouvant sa propre voix. J'ai été conquise par cette plongée horrifique, ce mélange de nostalgie et de terreur, ce dialogue entre l'intime et le fantastique. Jean-Baptiste Del Amo prouve qu'on peut rendre un vibrant hommage à ses maîtres tout en écrivant une œuvre personnelle et prenante. Une belle découverte, donc, qui donne envie d'explorer le reste de sa bibliographie.
Saint-Auch, petite bourgade en périphérie de Toulouse, au début des années 1990. Au fond de l'impasse des Ormes se trouve une maison abandonnée qui depuis toujours exerce une attraction étrange sur un groupe d'adolescents du quartier. Lorsque l'un d'entre eux meurt dans de terribles circonstances, ils décident d'y entrer, sans se douter des périls auxquels ils s'exposent.





2 commentaires
Je ne connaissais pas, mais tu me donnes envie de découvrir ce livre.
RépondreSupprimerSi tu aimes le fantastique et l'horreur, lance-toi, ça a été une très belle découverte pour moi !
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