Et tu n'es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens


Rescapée de la Shoah, Marceline Loridan-Ivens, née à Epinal en 1928 dans une famille juive polonaise et décédée en 2018 à l’âge de 90 ans, était aussi cinéaste, scénariste, actrice et autrice. Au même titre que Simone Veil, elle fut un témoin marquant de la mémoire des déportés. Arrêtée en mars 1944, elle est internée quelques jours à Drancy puis déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau, puis à Bergen-Belsen et finalement à Terezin. Elle recouvre la liberté à la libération du camp, le 10 mai 1945 par l'armée rouge.

Et tu n’es pas revenu est une lettre à son père déporté avec elle, dont les mots prophétiques l’ont hantée toute sa vie : “Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas”. Elle raconte les horreurs du camp d’extermination où elle creusait des fosses pour les juifs assassinés et triait leurs effets personnels, la déshumanisation, la manière dont elle a échappé aux sélections de Mengele et à la chambre à gaz. Mais elle évoque aussi le dur retour à la vie, une fois sa liberté retrouvée, lorsque toute envie de vivre se transforme parfois en regret de ne pas y être restée.

Parce qu’au moment où elle rentre enfin, la plupart des gens n’a plus qu’une envie : oublier la guerre et se reconstruire. Ils ne veulent pas entendre son histoire, écouter son témoignage. Son oncle, lorsqu’il la retrouve sur le quai de la gare, lui dit : “Ne raconte rien, ils ne peuvent pas comprendre”.

Marceline finira pourtant par témoigner sur la Shoah à travers le cinéma puis l’écriture. Après deux tentatives de suicide, elle retrouve un semblant de joie de vivre dans les clubs de Rive gauche, en se plongeant dans une vie trépidante. Elle épouse, en secondes noces, Joris Ivens, un documentariste avec lequel elle milite pour l’avortement, contre la guerre du Vietnam, la Chine maoïste et toutes les dictatures. Mais elle gardera toujours en elle cette plaie ouverte, cette culpabilité d’être revenue sans ce père aux rêves démesurés.

Un témoignage poignant mais plus que jamais nécessaire. En juin 2017, à la disparition de Simone Veil, elle confiait à l’AFP : “C’est la fin d’une époque, celle des témoins de l’extermination des Juifs d’Europe par les nazis”. Ses écrits restent, à nous de les transmettre.

Note : ★★

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Et tu n'es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens
Editions Le Livre de Poche (2016) - 122 pages - Support papier - Témoignage historique

« J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »

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