On se retrouve aujourd’hui avec l’un des personnages les plus importants de la mythologie irlandaise : Cuchulainn, le champion d’Ulster, un guerrier renommé à la double ascendance, humaine et divine. Le chien du forgeron, de Camille Leboulanger, revisite son histoire du point de vue d’un conteur étrange, un soir dans une taverne, en échange de quelques bières. Le vieil homme nous promet la vérité vraie, très éloignée de la légende propagée par la rumeur.
Tout commence avec un mariage de raison, celui de Dechtire, sœur du roi Conchobar Mac Nessa, et de Sualtam, l’un de ses principaux vassaux. Alors qu’elle se refuse encore et encore à ce vieil époux dont elle ne veut pas, la jeune femme disparaît soudain pendant plusieurs années. Lorsqu’elle refait surface, elle prétend avoir été enlevée et violée par le dieu Lug. Quelque temps plus tard, naît Setenta, dont nul ne saura jamais déterminer la véritable parenté.
Élevé dans le culte de ce qu’il est censé devenir, à savoir le plus grand guerrier de tous les temps, le jeune garçon est doté d’un égo surdimensionné et ne doute jamais de rien. Pas une des leçons que la vie lui administrera ne lui inspirera la moindre humilité tant il est persuadé de sa propre importance. C’est la vie, épique au demeurant, de cet être à l’incroyable destinée, égoïste et imbu de lui-même, que le conteur nous livre ici, sans fard ni complaisance.
C’est un personnage ambivalent qu’on a du mal à apprécier, et pourtant, est-il réellement responsable de ce qu’il est devenu ? Quoi qu’il en soit, porté par la verve du vieux conteur, on se surprend bien vite à éprouver de la curiosité pour son histoire. À aucun moment, le récit ne m’a paru lourd ni ennuyeux. L’intrigue est au contraire bien construite, mêlant découverte de la vie dans les forteresses de l’époque avec intrigues politiques, sans oublier la thématique vitale du statut des femmes dans cette société.
Le style demande un petit temps d’adaptation. On nous raconte une histoire, elle ne se déroule pas sous nos yeux, il n’y a que peu de dialogues. Mais on s’y fait vraiment très vite, dès la fin du premier chapitre en fait. La personnalité très marquée du chien nous embarque, et avec quelle facilité ! Cela sonne tout à fait juste et c’est une véritable tragédie car vous vous doutez bien que pareille histoire ne peut pas bien se terminer. Le chien du forgeron est comme une pierre qui dévale la montagne, écrasant tout sur son passage, et volant en éclats une fois arrivée en bas.
Ce fut une très belle découverte, que ce soit l’histoire réinventée de Cuchulainn, ou la plume de Camille Leboulanger. L’immersion est rapide et j’ai trouvé sympathique que, pour une fois, on égratigne un peu la figure du héros traditionnel, le grand guerrier imbuvable aux multiples faits d’armes. J’ai passé un très bon moment et j’ai hâte de découvrir d’autres romans de cet auteur.
Argyll (2022) - 247 pages - Support numérique - Fantasy
Approchez, approchez ! Alors que tombe la nuit froide, laissez-moi vous divertir avec l'histoire de Cuchulainn, celui que l'on nomme le Chien du Forgeron ; celui qui s'est rendu dans l'Autre Monde plus de fois qu'on ne peut le compter sur les doigts d'une main, celui qui a repoussé à lui seul l'armée du Connacht et accompli trop d'exploits pour qu'on les dénombre tous. Certains pensent sans doute déjà tout connaître du Chien, mais l'histoire que je m'apprête à vous narrer n'est pas celle que chantent les bardes. Elle n'est pas celle que l'on se raconte l'hiver au coin du feu. J'en vois parmi vous qui chuchotent, qui hésitent, qui pensent que je cherche à écorner l'image d'un grand homme. Pourtant vous entendrez ce soir l'histoire du Chien. L'histoire derrière la légende. L'homme derrière le mythe. Approchez, approchez ! Venez écouter le dernier récit d'un homme qui parle trop...
Le site de l'auteur : https://camilleleboulanger.fr/
0 commentaires