On se retrouve aujourd’hui avec ma première chronique d’un roman édité par les éditions Ymerys, dont j’avais envie de découvrir le travail. Première excursion également dans l’univers d’Amandine Grosso, avec un récit de fantasy orientale inventif et dépaysant.
Dès les premières pages, on perçoit chez l’autrice un vocabulaire travaillé, une écriture soignée qui ne manquera pas d’en déstabiliser certains, mais m’a beaucoup plu, personnellement. Un style recherché qui donne une véritable profondeur au récit par des descriptions ciselées. Le texte serait donc agréable à lire, en offrant un bel équilibre entre richesse lexicale et fluidité narrative, sans un travail éditorial qui laisse un peu à désirer. J’ai relevé quelques coquilles, des problèmes de concordance des temps ou des termes mal employés par exemple. Rien de catastrophique, mais ces petites imperfections sont d’autant plus visibles que le style est par ailleurs bien travaillé.
En dehors de cela, l’une des grandes forces du roman réside incontestablement dans son univers, que j’ai trouvé très chouette et surtout dépaysant. Amandine Grosso parvient à créer un décor qui sort des sentiers battus, avec une vraie attention portée aux détails et aux ambiances. On sent le souffle du vent comme une présence presque vivante, omniprésente dans les paysages comme les enjeux de l’intrigue. Les descriptions, nombreuses mais jamais pesantes, sont très visuelles et contribuent à une immersion réussie. L’autrice nous propose ainsi un environnement original, cohérent et suffisamment riche pour qu’on ait envie d’y rester.
Le fil narratif est également un atout. L’histoire s’éloigne des formules classiques pour nous proposer une quête subtile, tissée autour des Sirocc’Oracles qui déchiffrent l’avenir dans les volutes du vent. Une intrigue qui parvient à nous tenir en haleine, sans pour autant miser sur une action effrénée. Baya est en quête d’un remède pour une épidémie encore à venir, mais pour espérer le trouver, elle devra accepter de se confronter à l’âme du vent, qui la terrifie tout autant qu’il l’attire. Petit bémol néanmoins, même si cela ne nuit pas à mon appréciation générale : elle n’est pas tout à fait assez attachante. Si l’on comprend ses aspirations, sa détermination, son rapport au vent, l’alchimie émotionnelle ne s’opère pas pleinement. Elle est intéressante, mais un peu distante.
Amandine Grosso signe ici un roman qui capte par la musicalité de ses mots et la profondeur de son univers. Malgré quelques bémols, L’âme du vent conserve de jolis atouts : un style séduisant, un univers inventif et dépaysant, et une intrigue originale. Un roman qui mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la beauté de son écriture et la richesse de ses décors.
Note : ★★★★☆
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L'âme du vent, d'Amandine Grosso
Ymerys (2024) - 340 pages - Support numérique - Fantasy
« Tu ne peux pas partir. Tu m’as créée, et bientôt, nous serons légion. Tu ne peux plus t’enfuir : nous te suivons. » En tant que Sirocc’Oracle de la cité d’Iremer, Baya déchiffre l’avenir dans les volutes du vent. Son don si particulier la destine à servir les puissants. Mais dans les bas-fonds de la ville, là où pauvreté et désespoir se disputent les miséreux, une sombre maladie s’est réveillée. Contrainte à l’exil pour sauver ceux qu’elle aime, Baya devra déjouer les pièges du désert et prendre le mal de vitesse. Car les Affamés approchent et leur faim est contagieuse… Plongez avec Baya dans les sables de l’oubli, pour une aventure qui changera à jamais sa destinée.
La page Instagram de l'autrice :
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Retour sur Le tombeau des étoiles, de Victor Dixen, second tome de sa saga Vampyria America, qui fait suite au cycle Vampyria dans lequel il développe un univers vampirique au XVIIe siècle. Ce pan du récit se déroule en grande partie sur le continent nord-américain, alors que la guerre entre l’Angleterre et la France pour l’hégémonie sur le monde n’a jamais été aussi proche.
On retrouve les desperados du volume précédent à l’endroit où on les avait laissés, ou presque. Après leur fuite du Necropolis Palace à bord d’un bloodship anglais qui s’est échoué dans le Dakota, les voilà à cheval alors qu’ils tentent de rejoindre la fronde à Santa Fé. Les enjeux prennent ici une dimension plus géopolitique car la guerre est sur le point d’éclater, ce qui pourrait aussi bien faciliter que compliquer la tâche de la fronde contre les vampires. De nouveaux camps entrent en jeu : celui des sorcières, que les vampires anglais tentent d’asservir, et celui des indiens, que Waya essaie de rallier à la cause.
Sur le papier, tous les éléments sont réunis pour une suite captivante. Et pourtant, si la lecture reste globalement agréable, elle ne m’a pas non plus emballée plus que cela. Ce qui ressort tout d’abord, c’est l’ampleur de l’univers. Victor Dixen poursuit son déploiement d’une mythologie vampirique riche, en intégrant de nouvelles alliances et créatures. Le voyage des desperados à travers l’Amérique vampirisée permet de découvrir des paysages variés et le roman gagne ainsi en souffle épique ce qu’il perd, à mon sens, en tension dramatique.
Car c’est bien là que le bât blesse : à force de multiplier les lieux, les camps et les intrigues, l’histoire s’étire et finit par manquer de rythme. Le cœur du récit semble parfois se diluer dans cette profusion. Un autre point qui m’a chagrinée est mon manque d’attachement aux personnages. Ils sont nombreux, bien différenciés sur le papier, mais peinent à susciter une vraie empathie. En tout cas, la mienne. On suit leurs trajectoires, leurs choix, leurs dilemmes, mais sans ressentir véritablement leurs émotions, ou sans qu’on se sente particulièrement concerné.
Pour autant, il y a de belles idées. Certains moments parviennent à renouer avec la tension et l’énergie du premier cycle. L’imagination de l’auteur reste une force indéniable. Le concept des desperados, les affrontements entre les différentes factions vampiriques, ou encore la manière dont les légendes amérindiennes sont intégrées à l’univers global, sont autant d’éléments qui enrichissent le roman. Le style de Victor Dixen est fluide, rythmé, et l’on sent qu’il maîtrise son univers. Si j’ai apprécié l’ambition et l’originalité de l’univers, je suis juste restée un peu en dehors émotionnellement.
Cela donne une lecture sympathique, qui m’a intéressée, sans toutefois me passionner outre mesure.
Note : ★★★☆☆/★★★★☆
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Vampyria America, tome 2 : Le tombeau des étoiles, de Victor Dixen
Robert Laffont (2024) - 528 pages - Support numérique - Fantastique & Horreur
Six desperados contre des légions de vampyres. Une guerre totale pour le contrôle suprême des Amériques. Un continent transformé en champ de bataille. La France et l'Angleterre, les deux plus puissantes nations vampyriques de la Vieille Europe, se lancent dans une guerre sans merci pour le contrôle du Nouveau Monde. Dans ce conflit cataclysmique, les populations mortelles n'ont plus que deux fonctions : servir de chair à canon ou de réservoir de sang. Car les seigneurs de la nuit ne s'arrêteront pas avant d'avoir réduit les Amériques en cendres. Les ultimes lueurs d'espoir avant la nuit éternelle. Alors que les foyers de résistance humaine meurent l'un après l'autre, les étoiles elles aussi s'éteignent dans le ciel... L'issue semble inéluctable. À moins qu'une poignée de Desperados parviennent à unir les derniers peuples libres des Amériques. Mais comment fédérer la résistance, quand le venin de la discorde déchire jusqu'aux Desperados eux-mêmes ?
Le site de l'auteur :
https://www.victordixen.com/
Plonger dans Contrer les brumes, c’est accepter de se perdre dans un monde où les brumes mortelles, appelées l’Amertume, enveloppent tout, où les chimères rôdent, et où l’espoir semble aussi diffus que le brouillard lui-même. Léa Muna, avec ce premier tome intitulé Le guet de More, nous offre une incursion captivante dans un univers de fantasy sombre et intrigant.
Le roman prend place dans un monde envahi par les brumes. Seuls quelques bastions subsistent, dont More, une forteresse tenue par le guet, lequel est chargé de repousser les chimères insectoïdes qui rôdent dans l’Amertume. L’univers imaginé par l’autrice est à la fois fascinant et oppressant. Les brumes constituent une menace constante, rendant chaque sortie périlleuse, et Léa Muna excelle dans l'art de rendre son monde crédible. Chaque élément est minutieusement pensé au sein d’un univers vivant, usé par le temps et la peur. Les descriptions ne sont jamais pesantes, mais elles instaurent une ambiance lourde, presque poisseuse, où chaque sortie dans les brumes peut être la dernière.
Le personnage principal, Clervie, est la servante du maître alchimiste du guet. C’est une héroïne du quotidien, pleine de détermination et d’humanité. Elle n’est pas parfaite, elle doute, elle a peur, mais elle agit. Son courage réside dans sa volonté de faire ce qui est juste, même si cela signifie de remettre en question tout ce qu’elle pensait savoir du monde et d’elle-même. Et c’est ce qui la rend immédiatement attachante. Lorsque des événements inattendus révèlent qu’elle possède certaines aptitudes communes avec les chimères, qu’elle pourrait même être l’un de ces êtres hybrides que tout le monde craint, sa vie bascule. Son évolution est un vrai point fort du roman.
L’intrigue est bien menée, sans temps morts inutiles. L’autrice creuse les questions d'identité, de peur de l'autre, de contrôle politique. Car Léa Muna ne se contente pas de raconter une aventure : elle interroge aussi la manière dont une société fabrique ses monstres, au sens propre comme au figuré. Les enjeux se complexifient au fil des chapitres. Ce qui commence comme un récit d’apprentissage et de découverte prend des accents presque politiques. Qui décide de qui est humain ? Qui a le droit de vivre ou de mourir dans un monde au bord du gouffre ?
Le guet de More est une belle réussite, tant pour son univers maîtrisé que pour son héroïne touchante et sa narration immersive. Léa Muna signe ici un premier roman prometteur, qui donne très envie de découvrir la suite. On y retrouve tout ce qui fait les bons romans de fantasy : une évasion totale, mais aussi une résonance très humaine.
Note : ★★★★★
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Contrer les Brumes, tome 1 : Le guet de More, de Lea Muna
Scrineo (2025) - 500 pages - Support papier - Fantasy
Dans l'Amertume, une étendue de brumes mortelles, les chimères rôdent.
Clervie, domestique sur le guet de More, passe ses journées au service de messer Sénoc, un éminent alchimiste. Entre préparation du feu bleu et relevés du front brumeux, toutes les précautions sont bonnes pour se protéger de l'Amertume. Juste avant la grande marée, les hommes du bastion découvrent l'existence d'un chimèron, un hybride mi-humain, mi-chimère. Les inquiétudes s'accroissent avec la montée des brumes. Quelles sont les véritables intentions de cette créature ?
Lorsque Clervie découvre qu'elle a des facultés similaires à celles du chimèron, tout bascule : un lien se tisse entre eux, et elle doit maintenant choisir entre son cœur et ses devoirs. Et si le chimèron n'était pas une menace, mais la preuve vivante d'un salut pour l'humanité ?
Le compte Instagram de l'autrice :
https://www.instagram.com/lea_muna/
Stephen King revient aux éditions Albin Michel avec un recueil intitulé Plus noir que noir, qui contient 12 nouvelles de longueurs variées oscillant entre l’horreur, le fantastique et le thriller psychologique. Comme d’habitude, il réussit le tour de force d’embarquer le lecteur en quelques pages à peine, même si ce sont les titres les plus longs que j’ai personnellement le plus appréciés. Alors, je ne vais pas vous faire ici une revue exhaustive, mais plutôt vous parler de mes histoires préférées.
Deux crapules pleines de talent
C’est la nouvelle qui ouvre le recueil. En 1978, dans le village de Harlow, dans le Maine, deux amis, Lare et Butch, font une rencontre en pleine forêt lors d'une partie de chasse, rencontre qui va complètement changer la deuxième partie de leurs vies. Lare devient un écrivain célèbre, tandis que Butch révèle un étonnant don pour la peinture. On suit Mark, le fils de Lare, qui nous raconte comment il a découvert le secret de leur ascension. Un texte sympathique et touchant qui m’a rappelé Les Tommyknockers.
Le mauvais rêve de Danny Coughlin
Cette nouvelle est l'une des deux plus longues du recueil. Elle raconte l'histoire de Danny Coughlin, un gardien de lycée du Kansas, qui fait un jour un rêve bizarre dans lequel il découvre un cadavre derrière une station-service abandonnée. Obsédé par cette terrible image, il décide de se rendre sur place pour exorciser, sauf que l’endroit existe bel et bien et qu’un corps y est effectivement enterré. Après avoir appelé anonymement la police pour le signaler, il devient la cible d’un inspecteur perturbé et persuadé qu’il est le tueur. Un héros attachant qui se découvre médium, et un joli suspens.
Serpents à sonnette
Retour aux sources, et à l’un des personnages de Cujo dans cette nouvelle. Vous vous souvenez de Tad et Donna Trenton, tous deux enfermés dans une voiture en panne assiégée par un chien enragé ? Eh bien, le héros de Serpents à sonnette est Vic, le père de famille. L’histoire se passe bien des années après la mort du petit Tad. Vic a soixante-douze ans, il vient de perdre sa femme, et s’installe pour quelques semaines dans la maison d’un ami, tout près des restes de Duma Key, un lieu propice à l’émergence du paranormal, n’est-ce pas ? Sa rencontre avec une femme un peu folle va bouleverser tous ses projets…
L’homme aux réponses
En 1937, dans le New Hampshire, on suit Phil, un avocat fraîchement diplômé, qui s’interroge sur la suite à donner à sa carrière et va rencontrer l’homme aux réponses, un personnage de toute évidence doté de prescience. Encore faut-il savoir lui poser les bonnes questions ! Mais connaître une partie de son avenir lui permettra-t-il de tromper sa destinée ? Pas sûr du tout !
Un recueil qui, s’il n’est probablement pas le meilleur de Stephen King, recèle quand même des textes fort sympathiques. On ressent bien les préoccupations de l’auteur, qui évoluent avec le temps qui passe. Plusieurs nouvelles ont d’ailleurs des hommes âgés pour héros. C’est sombre, parfois effrayant, mais toujours plein d’émotions.
Note : ★★★★☆
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Plus noir que noir, de Stephen King
Albin Michel (2025) - 612 pages - Support numérique - Nouvelles & Recueils
Le maître du thriller et de l’horreur vous propose douze nouvelles qui vous plongeront dans les tréfonds les plus sombres de la vie, au sens métaphorique comme au sens propre. Un secret bien gardé est à l’origine du talent de deux artistes, un flash psychique sans précédent bouleverse de manière catastrophique l’existence de Danny, un veuf éploré se rend en Floride et reçoit un héritage inattendu accompagné d’importantes obligations, un vétéran du Vietnam répond à une offre d’emploi, etc. ...
Le site de l'auteur :
https://stephenking.com/
Elizabeth est une nouvelle d’Ann Carré éditée aux éditions 1115 en 2024 dans la collection Chronopages disponible sur abonnement. C’est un récit de science-fiction que je me suis procuré tout récemment et qui, malgré sa brièveté, a su me captiver grâce à un point de départ original et une narration inversée.
L'intrigue se déroule sur Vénusia, une planète minière où le temps s'écoule à rebours. Au lieu de vieillir, les humains qui s'y installent rajeunissent physiquement ce qui, au premier abord, pourrait sembler très chouette. Sauf que plus ils rajeunissent, plus leur mémoire s’efface, et là c’est tout de suite moins drôle. Ce concept, à la fois fascinant et inquiétant soulève des questions intéressantes sur le désir d’éternelle jeunesse et les conséquences de voir un tel vœu exaucé.
Outre ce point de départ, Ann Carré nous propose un audacieux choix narratif en racontant l’histoire d’Elizabeth à rebours. Ainsi, on commence par la fin et on remonte aux origines, c’est-à-dire à l’instant où elle a quitté la Terre en quête de cette renaissance promise à tous ces vieillards désireux de profiter de cette chance de vivre encore, et même de rajeunir. Un choix qui bouleverse les repères du lecteur, comme le sont ceux de l’héroïne. C’est fait avec habileté et cela sert parfaitement le propos.
L’héroïne, parlons-en. Ayant quitté la Terre à plus de 80 ans en compagnie de son époux, en direction de Vénusia, pour y retrouver leur jeunesse, Elizabeth rajeunit effectivement, mais on assiste aussi à la perte de ses souvenirs. Et c’est terrible à lire car cela met en lumière les sacrifices qu’elle a dû faire pour défier ainsi le cours du temps. C’est d’autant plus horrible que lesdits sacrifices n’ont pas été faits en pleine conscience et qu’elle s’y est retrouvée confrontée par surprise, et sans aucune possibilité de faire machine arrière.
Le style est maîtrisé, l’écriture sobre, efficace, sans longueur inutile. L’autrice déroule son histoire avec la même implacabilité que les Derniers Vivants mettent à se débarrasser des oiseux sur leur planète d’adoption. Cette nouvelle offre une jolie réflexion sur le temps qui passe et laisse entrevoir un talent prometteur dans le domaine de la science-fiction francophone. À découvrir.
Note : ★★★★☆
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Elizabeth, de Ann Carré
Editions 1115 (2024) - 31 pages - Support papier - Nouvelles & Recueils
Destination : Vénusia, une planète sur laquelle le temps ne suit pas la trajectoire qu'on lui connaît habituellement. Et ce sont les corps humains qui choisissent de s'y rendre qui en subissent les conséquences, connaissant un jour après l'autre une évolution qui, poussée jusqu'à l'extrême, est la cause de situations pour le moins ingérables.
Le site de l'auteur :
https://anncarre.com/